Le nouveau CDU : est-il urgent d’attendre ?
2 mai 2016A des acteurs économiques soucieux de simplification des procédures pour accéder à des économies de traitement de leur dédouanement, le CDU répond par un projet d’harmonisation à l’échelle de 28 pays de l’Union avec des process dématérialisés convergents et homogènes. Lors de sa conférence plénière sur la SITL, Conex a invité Caroline de Saussure, adjointe au chef du bureau Politique du dédouanement de la DGDDI, à exposer les recommandations douanières applicables d’ici à 2020, sous l’égide du nouveau Code des Douanes.
900 pages à effeuiller, la Douane ménage ses effets…
Il aura fallu attendre la toute fin de l’année 2015, le 29 décembre 2015, pour qu’enfin les actes délégués et d’exécution complétifs du CDU et attendus depuis son vote de principe devant le Parlement européen à l’automne 2013, se dévoile publiquement : 900 pages. Et on sait déjà que c’est loin d’être un point d’aboutissement puisque ce n’est que le 31 décembre 2020, que ses effets seront effectifs et que la réglementation pourra s’appliquer définitivement, à toutes les administrations et entreprises de l’Union, au terme d’une gestation concertée.
En tant qu’observateur des évolutions douanières depuis quelques décennies, et opérateur informatique pour le compte de milliers de déclarants en France, c’est bien sûr crayon à la main que, chez Conex, on a lu le projet de nouveau CDU. Alban Gruson, président de Conex, s’est fait l’écho sur la SITL des questionnements qui émergent déjà chez les acteurs économiques à l’examen de la mise en œuvre pratique du CDU sur le terrain.
Est-il urgent d’attendre ?
Mais pourquoi s’inquiéter dès aujourd’hui ? L’Union Européenne a encore 4 ans de travail devant elle avant que ce nouveau CDU ait force de Loi et éclaire ses zones d’ombre… Les acteurs du commerce international, n’auraient-ils pas plutôt intérêt à attendre que les règles soient clarifiées ?
En apparence, rien ne presse…. En fait, c’est tout le contraire et le compte à rebours a bien commencé…
Premièrement, il s’agit d’intervenir et de faire entendre sa voix. Les règles exposées sont loin d’être toutes claires, elles sont même loin d’être établies à ce jour… Rien moins que 17 chantiers de transformation sont annoncés par les Douanes pour permettre au CDU de rentrer pleinement en application fin 2020. 4 ans de travaux laissant, on l’espère, le temps aux acteurs impliqués de dialoguer avec leurs administrations douanières, pour faire émerger des solutions pragmatiques.
Deuxièmement, rien ne sert de courir, mais il faut partir à point ! Transformer des process prend du temps. La Douane dans l’entreprise mondialisée telle qu’on la connait aujourd’hui, s’inscrit à la croisée des flux d’informations, comptables, fiscaux, commerciaux. Le dédouanement centralisé communautaire, qui est une annonce phare prévue dans le CDUet a été annoncé comme un pas décisif vers la simplification, verra sa généralisation en 2020. En attendant, les entreprises peuvent avancer. Conex les y incitent car elles peuvent obtenir immédiatement des gains de la simplification liée à une solution centralisée, dite PDUC.
Rebaptisée Dédouanement centralisé communautaire (DCC), la procédure de domiciliation unique communautaire (PDUC) fixe la centralisation du dépôt des déclarations et du paiement des droits de douane auprès d’un seul Etat membre dit de « dédouanement ». Quant à l’acquittement de la TVA, des autres taxes nationales ainsi que l’accomplissement des formalités statistiques auprès de chaque Etat membre, ils sont réalisés à un bureau dit de « présentation ». L’entreprise doit satisfaire aux critères OEA et posséder une autorisation.
L’enjeu est de regrouper les déclarations en Douane sur un même bureau dans un seul pays, quand bien même leurs flux marchandises et les bureaux de rattachement douaniers sont disséminés dans plusieurs Etats membres. Or, les retours d’expérience des clients montrent que ce type de projet est loin d’être anodin, il se conçoit et se déploie en plusieurs semestres… Attendre n’est pas la bonne attitude, si l’on veut être prêt à temps…. Et tout gain de productivité est un atout concurrentiel.
Conex a fait témoigner à la tribune, le groupe papetier américain Schweitzer-Mauduit International (SWM). Leader mondial de la fabrication de papier à cigarette, SWM gère plusieurs usines en Europe, en France et en Pologne. Depuis le début des années 2000, le groupe est engagé dans la dématérialisation de ses procédures douanières. Après l’obtention d’une procédure de domiciliation unique (PDU) en 2011, SWM bénéficie d’une PDUC à l’export entre la Pologne et la France depuis 2013. Pionnières, les premières réflexions ont été entamées mi 2012 avec la DGDDI et les équipes de Conex.
Troisièmement, en attendant l’harmonisation des systèmes d’informations douanières dans les 28 pays de l’Union à horizon 2020 et avant de lancer le train de la dématérialisation chez tous nos voisins, le texte édité le 15 mars 2016 propose des règles transitoires pour les opérateurs économiques européens. Consacrant la dématérialisation comme mode de traitement cible des procédures douanières, le CDU accorde quelques années pour embarquer dans son périmètre des zones bien moins avancées que la France dans ce domaine… La transition de 5 ans avant l’entrée en vigueur pleine et entière du CDU apporte une sécurité juridique aux opérateurs sachant que l’échéance de leurs autorisations actuelles est fixée au plus tard le 1er mai 2019.
Les 17 travaux d’Hercule, ou la feuille de route du CDU
Conex a fait entendre ses questionnements déjà nombreux, parfois sa perplexité, à la lecture de ce nouveau Code à l’ébauche sur bien des points.
Informatisation, dématérialisation, harmonisation, simplification : dans une Europe à 28 Etats membres avec des organisations administratives différentes, le CDU va décliner ce cercle vertueux. Pour ce faire, la feuille de route de la Commission évoque 17 chantiers informatiques pour arriver au bout de la tâche : exportateurs enregistrés, RTC, décisions douanières, accès des opérateurs aux systèmes de l’UE (où l’on reparlera de la gestion uniforme et de la signature électronique), statut OEA, EORI 2, surveillance 3, T2lf, NSTI, SAE transeuropéen, bulletins INF, régimes particuliers, notification d’arrivée et de présentation, dépôt temporaire, systèmes d’importation, dédouanement centralisé, gestion des garanties au plan de l’UE, ICS 2…
En France, les déclarations douanières sont déjà quasiment toutes dématérialisées et traitées à 98% en mode EDI : à comparer avec une moyenne européenne qui plafonne à 86% pour l’ensemble des documents émanant des administrations des pays membres. Pas étonnant donc, qu’à lire les annexes du nouveau règlement du CDU, les professionnels français aient comme une impression de retour en arrière puisqu’on leur apprend comment remplir un DAU, comme en… 1988.
La France a bien une longueur d’avance et se positionne de manière compétitive pour accueillir les PDUC sur son territoire. Conex, qui a déjà accompagné plusieurs clients dans la mise en place d’une PDUC en France, est sur les rangs.