Cabinets conseil en CIR : pour quoi faire ? Et si on se posait la question sérieusement ?
7 juillet 2015Un récent manifeste, signé par Sciences en marche (*), met à nouveau en cause le CIR. Rédigé par un groupe d’universitaires, il tire sur les cabinets conseil et sur les grands groupes, accusés de soustraire des sommes considérables à la recherche publique. Ce manifeste ne remet pas en cause le CIR, qui finance la R&D de milliers de PME-PMI en France, ses critiques épargnant celles qui font des efforts de recherche notables et créent la valeur économique et l’embauche de demain. Décryptage par Larry PERLADE, président de NÉVA, spécialiste du financement de l’innovation des entreprises.
Recherche publique vs. recherche privée
Ce manifeste semble renvoyer dos-à-dos recherche publique et recherche privée – comme si réduire les sommes allouées aux entreprises permettait mécaniquement, et sans dommage collatéral, d’augmenter les crédits de financement de l’Université et de la recherche publique ! La réalité de terrain est toute autre : les collaborations public/privé sont nombreuses et fructueuses, et un « détricotage » de ce tissu vertueux serait catastrophique. Nos universitaires ne sont-ils pas victimes d’une myopie ancienne, héritage d’une autarcie historique, prétendant défendre le principe d’une recherche fondamentale totalement isolée, peu soucieuse des entreprises, peu encline à innerver la recherche appliquée et les développements expérimentaux des entreprises ?
La réalité de la recherche en France leur donne tort et les règles-mêmes du CIR sont là pour le rappeler : la sous-traitance auprès des laboratoires publics n’est-elle pas fortement encouragée par le CIR, puisqu’elle est valorisée au double de sa valeur nominale dans son assiette de calcul ? Les jeunes PhD, frais émoulus de l’Université, ne sont-ils pas, quant-à-eux, valorisés à hauteur de 4 fois leur rémunération dans ce même calcul du CIR ?
De la valeur ajoutée d’un cabinet conseil en CIR
Ce manifeste met aussi sur la sellette les cabinets conseil en CIR, qui prélèveraient au passage la moitié ( ! ) du montant de la subvention publique. C’est bien mal connaître la réalité d’un métier extrêmement exigeant, impliquant des responsabilités colossales, imposant une pluridisciplinarité de très haut niveau (avocats fiscalistes, avocats en droit social, experts comptables, ingénieurs, etc.), et faisant face à une Administration durcissant chaque année sa doctrine : la réduction des marges de la profession toutes ces dernières années a, au contraire, imposé des restructurations en cascade, la disparition des cabinets les moins bien outillés et, au final, un assainissement sans aucun doute nécessaire.
Alors qu’en est-il de la valeur ajoutée apportée par un cabinet conseil en CIR ?
Tel qu’il est, le CIR présente deux caractéristiques : d’une part il est d’une impressionnante complexité car il est la résultante de l’accumulation de plus de 30 ans de jurisprudence et de Lois de Finances successives. D’autre part, il est depuis quelques années l’objet de contrôles de plus en plus fréquents et de plus en plus pointus.
Bien entendu, pour une entreprise, gérer son CIR en interne sans prestataire extérieur est toujours une possibilité, mais, au-delà de la question de l’expertise et de l’expérience, cela mobilisera forcément d’importantes ressources internes. Et cela représentera un coût caché non négligeable, puisque les personnels sont alors distraits, pour une partie de leur temps, de leur mission habituelle.
Au-delà d’une meilleure allocation des ressources internes et de tous les avantages classiques liés à une externalisation auprès de spécialistes, l’intervention d’un cabinet conseil en CIR doit avoir trois objectifs : – L’optimisation des montants valorisés, alors qu’en interne, la tendance naturelle observée est à la sous-déclaration, par méconnaissance des complexités du dispositif. Un exemple flagrant concerne le personnel non technique impliqué dans la R&D, trop souvent écarté de la valorisation lorsque le dossier est monté en interne, alors que la jurisprudence Falguière autorise cette intégration. Mais qui le sait hormis les spécialistes ? – L’assistance pour l’élaboration du rapport technique : traduire de manière convaincante pour l’Administration les enjeux d’un projet de R&D n’est pas à la portée de tous les chercheurs. L’exercice, un peu scolaire, en indispose plus d’un… – Enfin, la prise en charge intégrale par le cabinet conseil de la défense du CIR face aux administrations lors des contrôles et des contentieux. C’est aujourd’hui devenu souvent l’essentiel des travaux des cabinets spécialisés car, depuis plusieurs années, le nombre de contentieux va croissant. Si le dossier a été élaboré en interne, l’entreprise devra bien recourir à un avocat fiscaliste pour sa défense ; et ses honoraires seront alors dus, quelle que soit l’issue du litige, CIR validé ou rejeté, là où la plupart des cabinets spécialisés travaillent au success fee (il conviendra toutefois d’être vigilant : tous les cabinets, même s’ils affichent des honoraires de résultats, ne jouent pas forcément le jeu et il sera important pour l’entreprise de bien valider les modalités du versement des honoraires, pour s’assurer que le principe du success fee est bien réel).
Les contentieux se multiplient, créant un véritable nouveau marché pour les cabinets conseil en CIR
Le nombre de contentieux est devenu si important qu’indépendamment du montage des dossiers, la défense des CIR est devenue un besoin spécifique pour les entreprises, et une spécialité en soi pour certains cabinets conseil. Ainsi, quelques cabinets conseil, peu nombreux, sont prêts à défendre des dossiers qu’ils n’ont pas montés eux-mêmes en amont, tout en conservant le principe des honoraires de résultats. La solidité absolue des projets de R&D valorisés au CIR n’est plus alors qu’une simple condition préliminaire pour le succès de la mission : il faudra pour ces rares cabinets déployer une débauche de diligences pluridisciplinaires pour emporter la victoire !
(*) Sciences en marche – http://sauvonsluniversite.com/spip.php?article7422
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