DELTA fait fi du principe de l’égalité des usagers devant le service public !
16 janvier 2007C’est enfin officiel, le ministre Jean-François Copé l’a annoncé publiquement, le service Delta (dédouanement en ligne par transaction automatisée) sera gratuit pour les uns et payant pour les autres.
Le monde des opérateurs en douane est classiquement divisé en deux camps, les transitaires (professionnels du dédouanement) et les chargeurs (exportateurs/importateurs).
Les premiers œuvrent le plus généralement au travers de la procédure dite de droit commun qui nécessite la présentation physique des marchandises au bureau de douane. Ils avaient recours jusqu’à présent au SOFI (système ordinateur pour le fret international), qu’ils cofinançaient avec l’administration des douanes au travers d’une charte signée par leur fédération.
De leur côté, les chargeurs œuvrent le plus souvent au travers de procédures dites domiciliées qui leur permettent de dédouaner leurs marchandises directement dans leurs locaux. Ces procédures n’étaient pas traitées par le SOFI et chacun des opérateurs habilités avait organisé leur traitement informatique au travers de solutions internes.
Delta, le nouvel outil de l’administration des douanes en cours de déploiement sur l’ensemble du territoire national va englober ces procédures et les relier aux serveurs de l’administration.
Cependant, un distinguo subsiste entre Delta C (qui traite les procédures de droit commun) et Delta D (qui traite les procédures domiciliées).
Outre les aspects techniques de fourniture de l’information en une ou plusieurs étapes, l’administration vient d’introduire une différence majeure au plan financier :
– Delta D est gratuit.
– Delta C est payant.
Pourquoi une telle différence de traitement entre usagers ?
L’analyse historique permettrait de voir là un simple copier/coller des principes antérieurs ?
Une telle analyse serait plutôt simpliste et occulterait le débat qui a précédé à une telle décision du ministre.
Initialement, l’administration ne souhaitait pas différencier le traitement de ces deux procédures au plan financier.
C’est la solution du payant généralisé qui recueillait naturellement ses suffrages.
Mais le camp des chargeurs s’est particulièrement mobilisé contre un tel augure et via le Medef ou l’AUTF qui a porté le débat à l’Assemblée nationale en faisant valoir qu’un supplément de coût pénaliserait les entreprises françaises par rapport à leurs concurrentes communautaires dans le cadre du commerce international.
Ce message a été entendu et le combat s’est avéré profitable.
Dans le même temps, la Fédération des transitaires TLF (Transport et Logistique de France) qui représente la majorité des professionnels du dédouanement, acceptait de reconduire le principe de la reconduction du paiement d’une redevance analogue à celle qui existe à l’heure actuelle au travers du SOFI.
Au final, c’est bien entendu l’importateur/exportateur qui, recourant au service d’un professionnel supportera le coût de cette redevance puisqu’elle lui sera répercutée par son prestataire.
L’ensemble de la profession des transitaires s’étonne dès à présent que sa fédération professionnelle ait pu ainsi conditionner le monde du dédouanement en France sans avoir consulté sa propre base.
Pour la remercier, l’administration l’a élevée officiellement au rang de partenaire (le jeu en valait-il la chandelle ?). Comment, par ailleurs, se peut-il qu’un ministre lui-même cautionne des mesures qui transgressent les principes fondamentaux de fonctionnement de l’appareil de l’Etat : l’égalité des usagers devant le service public.
Certes, qui veut la fin veut les moyens, mais dans une période particulièrement troublée, était-il nécessaire de créer une telle distorsion ?
Surtout dans la mesure où le glas de celle-ci doit sonner dès 2010 en conformité avec le nouveau Code des douanes communautaire qui instaure la gratuité du dédouanement pour l’ensemble du territoire communautaire à compter de cette date.
Décidément en France, on a du mal à anticiper la réalité communautaire !
#DELTA D ET C #DOUANE #E-ADMINISTRATION