CBC DEVELOPPEMENT
http://www.cbcdeveloppement.fr/accueil_general.htmLa régulation au secours de l’attention ?
5 mars 2020Michel Puech, Philosophe Enseignant/Chercheur à La Sorbonne, créateur de Philandyou, m’a fait l’amitié de me proposer d’intervenir dans un colloque organisé le 14 février dernier, en partenariat entre le Master Conseil éditorial de la Faculté des Lettres de Sorbonne Université, l’Espace éthique Île-de-France et l’Association des anciens étudiants du master Conseil éditorial. Je lui ai proposé un sujet qui fait le lien avec mes expertises professionnelles : « La régulation au secours de l’attention », le thème du colloque était « La Guerre de l’Attention ». Il était convenu que je m’appuie sur le marketing téléphonique, les sollicitations non sollicitées, les tentatives de régulation pour les interdire ou les maitriser …
Le Marketing Téléphonique a manifestement érodé ses capacités d’attraction de l’attention.
Il se porte mal, malgré deux tentatives mitigées de régulation, la dernière reposant sur le service « bloctel.gouv.fr », la liste d’opposition au démarchage téléphonique, obligatoire et sous le contrôle de la DGCCRF qui peut sanctionner les contrevenants. CBC DEVELOPPEMENT, membre fondateur d’Opposetel, gestionnaire de la Délégation de Service Public Bloctel, se place, dans ce domaine, en expert. Et c’est à ce titre que nous nous permettons une rétrospective pour comprendre pourquoi nous en sommes arrivés là, si une régulation peut s’avérer utile et sous quelles conditions …
On peut se souvenir comme de l’eldorado du marketing téléphonique, de la décennie 90’s. Mais à l’orée des années 2000, la course à la baisse de la masse salariale a conduit les opérateurs à se ruer sur l’offshoring. Une précipitation qui a rapidement dégradé la qualité : faute d’avoir investi dans la formation des téléacteurs, dans l’amélioration et la maîtrise de leurs compétences relationnelles et commerciales élémentaires, le télémarketing a ouvert la voie à de multiples pratiques dégradées. Parallèlement à cela, des escroqueries sont apparues comme le « ping call ».
Une première régulation « endogène » est arrivée en 2011 avec PACITEL, la première liste d’opposition au démarchage téléphonique. Cette initiative « admirable » a été initiée par les acteurs eux-mêmes, soucieux d’apurer les pratiques qui créaient du tort à l’ensemble de la profession. Elle a été mise en œuvre le 20 septembre 2011 par cinq fédérations professionnelles : Fédération Française des Télécoms (FFT), Association Française de la Relation Client (AFRC), Fédération de la Vente Directe (FVD), Fédération du e-Commerce et de la Vente à Distance (Fevad), Syndicat National de la Communication Directe (SNCD). Rendez-vous compte, en 2 jours, ce sont 275 000 inscriptions qui ont été enregistrées. Cette liste était confiée, moyennant finances, aux adhérents de Pacitel pour qu’ils expurgent leurs fichiers des prospects qui ne voulaient pas être appelés. Malheureusement, Pacitel n’a pas fonctionné. Pacitel n’a même pas fêté son deuxième anniversaire. Pourquoi ? Il n’y avait aucune obligation pour les entreprises à être vertueuses et elles ont été peu nombreuses à « jouer le jeu ».
En 2016, une nouvelle initiative de régulation est prise : BLOCTEL. Cette fois, la liste d’Opposition au Démarchage Téléphonique, promue par la loi Hamon et mise en œuvre le 1er juin 2016, a généré 1 000 000 d’inscriptions dès la première journée. Et on en est aujourd’hui (fin janvier 2020) à 4,6 millions d’inscriptions depuis le lancement.
Toujours depuis son lancement, Bloctel a enregistré 2 millions de réclamations.
On s’attendrait à ce que ces réclamations, en grande majorité, soient formulées à l’encontre de sociétés qui appellent, sous le couvert de leurs actions de prospection, des personnes inscrites sur Bloctel. Or, la réalité est assez différente. On trouve à l’origine des plaintes, rien moins que de la délinquance numérique, plus ou moins grave : du Pingcall (on est invité à rappeler un numéro surtaxé, très cher, qui ne dit pas son nom) ou encore des appels d’automates.
Quand on a enfin compris que 2/3 des réclamations tenaient au ping call et aux appels par automates, on a su comment agir … De plus, de nouvelles dispositions ont été mises en place par l’ARCEP afin de lutter contre l’usurpation de numéros de téléphone (Décision ARCEP 2018-881 en application le 1er août 2019). Très simplement, et il fallait bien en passer par là, il est fait interdiction aux opérateurs, d’acheminer des appels dont le numéro présenté aux consommateurs est non attribué ou incohérent avec l’appelant.
Alors, on pourrait dire que le marketing téléphonique est rentré dans l’après-guerre, tout n’est plus permis en matière de prospection téléphonique. Espérons que l’on en revienne à une saine compétition et que le meilleur gagne ! Le marketing téléphonique, est le cas exemplaire d’un terrain de compétition qui est devenu un terrain de guerre. Dans la guerre, tout est permis. Il n’y a que le résultat qui compte, quels que soient les moyens, tandis que dans une compétition on peut quand même s’en remettre à l’arbitre.
Pourtant, le média téléphone ne sort pas indemne de ces années de mauvais usages et sa crédibilité en tant que media reste entamée. Ainsi, les messages qu’il véhicule ont encore du mal à se faire entendre. Même si l’on semble être enfin sur la bonne voie, l’effort doit encore se poursuivre.
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