On peut faire des projets collaboratifs sur tout, mais pas avec tout le monde… C’est en paraphrasant notre regretté Pierre Desproges que j’introduis cette mise en garde à l’attention des dirigeants de PME qui auraient envie de s’appuyer sur le savoir-faire de grandes institutions pour co-développer des innovations.
A l’occasion de rencontres PME et Grands Comptes/Institutions, on vous peint la girafe en rose… La PME est très fière de prétendre à une sélection et a tôt fait de signer avec l’institution un NDA puis un contrat de co-développement alléchant… Pensez-donc, le temps passé par leurs ingénieurs de haut niveau est gratuit et compensé par un partage des bénéfices ultérieurs… Partage limité de surcroît à un pourcentage des frais engagés par l’institution et limité dans le temps… Alors, on signe ! On déballe ce que l’on sait, on expose ce qui est perfectible, on dit ce que l’on cherche, on donne des idées, on explique le marché, on fonce. On plonge en toute confiance : on a signé des papiers !
Mais c’est sans compter les changements de stratégie interne qui poussent désormais certains labos, même parapublics, à commercialiser eux-mêmes les produits issus de leurs recherches, surtout si le sujet, peu porteur au début, devient très en vogue. Voire se transforme en un vrai marché. Et la déconvenue est à hauteur des illusions que l’on s’était forgées !
Le sujet, c’est l’écoconduite, il y a 9 ans, lorsque Nomadic Solutions a commencé à s’y intéresser, on ne trouvait que quelques passionnés qui enseignaient la conduite rationnelle et principalement avec les logiciels développés par les constructeurs de poids lourds… Mais, la cause du développement durable, et, soyons francs, le renchérissement du prix du pétrole, ont démontré que les formations et surtout le suivi des formations à la conduite apaisée, étaient profitables pour la planète et le porte-monnaie, même lorsqu’il s’agit des VL ou des VLU.
Dès 2005, Nomadic a donc commercialisé dans l’indifférence générale un premier outil d’aide au suivi des formations. Puis, en 2009, la société a été la première à proposer EcoGyzer, un outil simple et non connecté au calculateur du véhicule, qui permet d’apprécier des attitudes et d’estimer des tendances de consommation de carburant. Outre un boitier embarqué dédié (made in France), Nomadic a développé des librairies portables sur tout type de matériels, ainsi qu’une version grand public sur iPhone et sur feu Windowsphone 6.5. Nous avions d’ailleurs reçu, à cette époque, quelques distinctions pour la qualité de notre innovation. (1°Prix IP convergence-écocitoyenneté, 1°Prix Syntec-DGCIS Capdigital embarqué grand public, et 2°Prix Innovation Microsoft)
A force de démarcher assureurs, loueurs et grands comptes, à force de communiqués de presse, et bien sûr à cause de la crise, le sujet de l’écoconduite a pris de l’importance dans l’esprit des gestionnaires de flottes et chez les responsables marketing des grands assureurs, sans oublier les responsables du développement durable des grands groupes. C’est alors que l’on a vu fleurir pléthore de produits plus ou moins (plutôt plus) inspirés de notre EcoGyzer… C’est précisément à ce moment que, pour garder notre avantage concurrentiel, nous avons cherché des partenaires scientifiques pour faire évoluer notre produit.
Techinnov 2011… Une grande institution s’intéresse à nous … Quel honneur… Nous voilà donc partis pour contracter afin de développer EcoGyzer+… Ne manquant pas de communiquer tous azimuts sur ce partenariat, avec, en poche, un contrat que l’on croyait béton.
Mais, au cours des mois, le co-développement piétine, les explications des travaux sont de moins en moins claires, les livrables de plus en plus fumeux jusqu’en novembre 2013 où l’institution nous convoque et par la voix d’un nouveau responsable, met un terme brutal à notre contrat. Il nous annonce droit dans les yeux qu’ils avaient déjà engagé des travaux sur le sujet antérieurement à notre contrat… Mais, dans ce cas, pourquoi avoir signé avec nous ? Si ce n’est pour faire une étude concurrentielle à bon compte ?
Rien à répondre, ils vont rompre unilatéralement le contrat. Cependant magnanimes, ils nous informent que nous n’aurons rien à payer pour les heures d’études qu’ils ont effectuées…. Grand merci, Messieurs, trop de reconnaissance vous étouffera.
Et puis, voilà le pompon… Geco… un produit concurrent avec une interface assez inspirée d’EcoGyzer qui sort sur le marché, à l’occasion de Futur en Seine 2014 !
Alors, chers amis des PME innovantes, que notre mésaventure vous serve à porter la plus grande méfiance lors de la signature de ce type de contrats bi-partites… Préférez sans nul doute l’accompagnement de vos projets collaboratifs par les pôles de compétitivité, ils vous apporteront bien plus de garanties et d’équilibre entre forts et faibles et cela vous évitera de vous retrouver dans cette situation.
On ne dira d’ailleurs jamais assez de bien de ces pôles, véritables usines à projets qui permettent de travailler plus sereinement, et en confiance entre labos, PME et grands groupes… Ils apportent, dans les consortiums, une vraie garantie de protection aux petites structures. On se rend compte que c’est infiniment plus sûr que des contrats de co-développement passés directement entre les PME et institutions para-publiques.
Je terminerai par cette fabulette du petit lapin et de l’ours qui font leur besoin derrière un buisson… Alors que l’ours a terminé, il demande au petit lapin : ca ne t’embête pas d’avoir de la crotte dans les poils ? Jeannot répond gentiment : ben non, c’est la nature… Alors l’ours l’empoigne, s’essuie et le jette … Les grands n’ont pas tous un service RSE !
Nota : Porté sur plusieurs plateformes, Nomadic Solutions a vendu plus 12 000 licences pro* (Hard+soft ou Soft seul) de son produit EcoGyzer, qu’elle ne cesse d’améliorer.
(*) Hors téléchargements Smartphones.